A chaque fois que je vais au rucher, c’est comme si je me rendais à un spectacle de magie (et j’aime la magie). Cela fait 25 ans que j’y vais presque tous les jours et je m’en lasse pas. Ma première représentation, c’était avec la maîtresse de Sciences, madame Beguin, j’avais 12 ans.

gschneider

21 mars 2022
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Magie.pngJe ne me rappelle plus de la date, mais il faisait beau ce jour-là lorsqu’elle nous emmena en visite chez Marcel, l’apiculteur du village. Les élèves, installé·e·s en arc de cercle patientaient devant une boîte magique qui trônait au milieu du jardin. Marcel entrait en scène à l’image d’un prestidigitateur. Sans chapeau et sans baguette mais coiffé d’une tunique lui dissimulant le visage et armé de son enfumoir, il ouvrit avec malice sa ruche et nous présenta son tour. Roulement de tambour : « Approchez mes enfants, regardez toutes ces abeilles qui se dandinent sur les alvéoles, c’est ici qu’elles élaborent le miel! ». L’apiculteur très fier de sa science nous racontait comment les abeilles, en se promenant sur les fleurs récoltent du nectar et que, par les lois célestes de la magie, cette fameuse boîte, cette ruche, se remplit de potion magique qu’on appelle le miel. Mais comment? C’est quoi le truc, la combine, l’astuce? C’est bien connu, les abeilles sont soumises au secret de fonction. Elles connaissent exactement le juste dosage, les bons ingrédients pour transformer ce qu’elles ont récolté sur les fleurs en miel. Soyez-en certain, elles ne pipent pas mot même si l’apiculteur s’essayait à les enfumer pour leur sortir les vers du nez. C’est très certainement pour cette raison qu’elles opèrent dans l’obscurité de la ruche, à l’abri des regards inquisiteurs. On était toutes et tous « scotchés » devant ce tour de passe-passe et en total contemplation devant le décor. Une fois le tour terminé, complètement groggy devant ce spectacle qu’on venait d’admirer, chaque élève était invité·e à vérifier (et plutôt deux fois qu’une) qu’il n’y avait pas de truc et que c’était bien du miel qui se trouvaient dans les alvéoles. On étalait alors généreusement la mixture sur nostranches de pain. Nos papilles étaient en ébullition. Après nous avoir rendu complètement accro à cet élixir, d’un air un peu sournois le spécialiste des abeilles nous proposait ses pots de miel pour un montant symbolique. Alors que les dernier·ère·s quémandaient une dernière goutte de nectar, madame Beguin un peu moins dupe nous ramenait à la raison. Le spectacle est fini, c’est l’heure de rentrer à l’école. Ce jour là, on en avait eu pour notre argent: un spectacle et un repas pour une bouchée de pain.
Quelques jours plus tard dans la salle aseptisée de l’école, au prochain cours de Sciences, madame Beguin nous plantait un autre décor, l’autre moitié du tour; où comment la magie opère sur l’arbre. Avec des explications scientifiques mais un peu moins convaincantes que Marcel, elle nous présenta l’autre tour: « Pour que la fleur se transforme en pomme, il faut que le stigmate du pistil de la fleur femelle capte le pollen de la fleur mâle ». Vous en conviendrez, même si la prouesse de la fleur qui se transforme en fruit est tout aussi bluffante que la fabrication du miel par les abeilles, les talents de magicienne de madame Béguin sont quand même moins alléchants que la mise en scène de Marcel. Le plus étonnant dans tous ça, qu’il s’agisse du tour du miel ou de la pomme, c’est qu’il n’y a pas de truc, c’est de la magie pure.

Merci à madame Beguin et à Marcel de nous avoir fait découvert l’envers du décor.

 

Apicolement Vôtre