La mission première de l’association Mellifera est de sensibiliser le public à la biodiversité. Un rucher et son environnement sont un «terreau» pédagogique plus que remarquable pour en parler. En Europe, la Suisse fait figure de cancre en matière de protection de la nature. Elle compte le plus grand nombre d’espèces menacées.
Sa liste rouge des espèces menacées d’extinction ne cesse de s’allonger et un tiers de toutes les espèces animales et végétales qui y vivent risquent de disparaître. Face à cette situation, que faire à son échelle ? Une solution proposée: semer des (graines de) fleurs. Cette action, bien que riche de sens, n’a que peu d’effet pour enrayer cette perte de biodiversité pour plusieurs raisons :
1. Du végétal non adapté à votre milieu. Chaque type de sol (sableux, limoneux, argileux ou humifère) offre un support différent à la biodiversité. Vous aurez du mal à faire pousser un coquelicot (sauvage) dans un sol humifère et riche en matière organique. Celui-ci privilégie un milieu perturbé et pauvre. Avant de semer, il faut connaître son sol.
2. Un sol non entretenu est un sol vivant. Tous les milieux sont propices à une flore et à une faune spécifique pourvu qu’ils ne soient pas bétonnés ou exploités (dans le sens entretenu). Il suffit d’observer les environnements apparemment hostiles pour découvrir une biodiversité étonnante. Même un tas de cailloux « punk » où l’anarchie fait loi est un havre de biodiversité1. Ne bougez pas, ne faites rien, vous y apprécierez des liserons, des sébums, des graminées et une vie affolante qui ne demande que le droit d’exister. Laissez régner l’esprit rebelle de la nature, tant végétale qu’animale, pour qu’elle puisse s’exprimer librement sans y apporter votre grain de sel.
3. La provenance des mélanges de graines commerciales est souvent inadaptée à votre environnement. Alors faites mieux... observez la végétation environnante et, en automne, récoltez quelques graines des fleurs qui prospèrent à proximité. Au printemps, semez vos graines sur l’espace vierge en les recouvrant avec un peu de terre. Un peu d’arrosage et c’est tout. N’apportez pas d’engrais ni de compost.
4. L’illusion que cela va améliorer la situation. La Suisse bétonne un mètre carré de son territoire chaque seconde au profit de la biodiversité. Ce vandalisme provient majoritairement du secteur bâti, des infrastructures routières et autres aménagements urbains. Malheureusement, malgré toute la bonne volonté individuelle pour semer des graines ou poser des hôtels à insectes sur son balcon, cela n’infléchira en rien (ou tellement peu) la perte de biodiversité. La disparité et la disproportion des moyens sont bien trop grandes pour que nos efforts individuels compensent la gigantesque force de frappe que possède l’industrie du bétonnage.
La lutte est-elle perdue d’avance ? Les dés seraient-ils pipés ? Pas encore... mais la solution réside certainement ailleurs: notre priorité devrait être d’éviter que le bitume s’installe et de décaper celui qui s’est propagé. Même si la proposition n’est pas si compliquée à mettre en oeuvre, encore faut-il avoir les moyens pour se mettre à l’ouvrage: prendre pelles et pioches pour décoller la chaussée de la voie publique n’est certes pas si compliqué, encore faut-il que les autorités valident votre enthousiasme à vous mettre au travail. Dès lors, on vous propose une méthode un peu plus douce: aller à la rencontre de la nature pour mieux s’engager à la préserver. Tout d’abord, sortez la tête de l’écran, puis connectez-vous au vivant et apprenez la biodiversité : ce monde est inspirant et captivant. Observez cet arbre qui trône sur la place du village, envahi de toute part par du minéral ; par quelle opération du Saint-Esprit peut-il encore s’épanouir ? Et ce liseron qui perce l’asphalte,
comment diable peut-il trouver la force pour surgir à la lumière? Ces prouesses sont fascinantes. Cette approche peut sembler un peu «bateau», mais l’explorateur des fonds marins Jacques-Yves Cousteau soutenait que : on aime ce qui nous émerveille, et on protège ce que l’on aime. Faites-en l’expérience, votre énergie positive sera décuplée et vous aurez du coeur à l’ouvrage pour vous engager dans ce passionnant chantier. En passant, pensez à vous rendre aux urnes pour voter contre les 6 voies d’autoroute
entre Genève et Lausanne...
Un marin d’eau douce de l’apiculture PUNK.
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1 Référence : Eric Lenoir